Philosophie - Le véganisme change-t-il notre rapport à la nature ?

Le passage d’un régime carné ou pesto-végétarien à un régime totalement végétal, est-ce que ça révolutionne notre façon de concevoir le vivant ?

Qu’en penses-tu ? 

Sur le long terme, être vegan change-t-il notre manière de penser notre place dans le monde ? 

En philosophie, le concept de nature peut prendre différents sens. Ici, on l’entend comme ce qui est extérieur au monde humain au sens où ce terme désigne tout ce qui n’est pas transformé par l’homme : les animaux, la planète Terre, le vivant entendu au sens large… 

Es-tu partant·e pour cette petite virée dans le monde de la philosophie végane

Super alors let’s go ! Explorons ensemble la question suivante : le véganisme change-t-il notre rapport à la nature ? 


Le véganisme permet de repenser la place de l’humain dans la hiérarchie du vivant (écosophie)

L’écosophie est un courant développé dans les années 70 par le fondateur de la deep ecology Arne Næss. Il a été rendu célèbre en France grâce au philosophe et psychanalyste français Félix Guattari. 

Ce mot contractant la racine éco venant du terme oïkos (maison, habitat en grec) et le terme de sophia (sagesse), il signifie littéralement « sagesse de l’habiter ». 

Arne Næss part du principe que l’avenir de l’humanité ne peut s’imaginer sans repenser notre manière d’être au monde. Sinon, nous courrons à notre perte. 

Par ce terme il invite ainsi à un décentrage anthropocentriste

« L’homme ne se situe pas au sommet de la hiérarchie du vivant, mais s’inscrit au contraire dans l’écosphère comme une partie qui s’insère dans le tout. »

Ce terme implique à la fois un changement de paradigme éthique, social, politique et donc de consommation. Il souligne en effet la nécessité de décentrer notre regard de l’humain, et de le faire converger vers le vivant, pour voir plus grand. Pour Félix Guattari d’ailleurs, l’écosophie est une pratique de vie et non pas simplement un terme théorique. C’est pourquoi le véganisme  est un biais fondateur de ce courant. 

L’écosophie, c’est donc chercher à repenser concrètement notre rapport à la nature, aux réalités économiques et sociales mais également aux animaux pour pratiquer une philosophie de vie plus proche du vivant

Anti-spécisme & vegan : une prise de conscience autour de la nécessité de réensauvager la nature (wilderness)

L’antispécisme est un courant de pensée et d’agir qui refuse d’appliquer la hiérarchie éthique  de notre monde. À savoir une hiérarchie de pouvoir qui donne des droits à l’homme (au sommet) à l’égard de toutes les autres espèces. Parce qu’il serait supérieur, l’humain pourrait légitiment manger les animaux, les utiliser dans des tests cosmétiques et décider ainsi du droit de vie et de mort sur le vivant et, par extension, la nature.

À l’heure où l’industrie de la viande est responsable de près de 80% de la déforestation amazonienne, on peut questionner cette hiérarchie : notre système de consommation ne détruit-il pas faune et flore en s’accaparant des espaces qui devraient servir à d’autres espèces ? Une cohabitation entre l’humain et les autres formes de vie est-il seulement envisageable dans un monde où tuer 3,2 millions d’animaux par jour (en France) est devenu la norme ?

Aujourd’hui, on voit fleurir aux quatre coins du monde des idées pour repenser notre lien à la nature. Ces conceptions de philosophie végane en lien étroit avec la antispéciste du vivant, nous propose par exemple de réensauvager des espaces i.e de redonner plus de terres à la Terre… ! 

Au lycée Paul Rey à Nay, dans les Pyrénnées-Atlantiques (64), des élèves de Terminale se mobilisent par exemple pour convertir des terrains à la « libre-évolution ». Autrement dit, leur projet consiste à avoir la propriété de terrains non-occupés ou inutilisés pour les laisser se développer sans l’intervention de l’humain. Les élèves expliquent : « Un lieu où l’homme n’intervient pas sur la nature, de quelque manière que ce soit, » […], la chasse, la pêche, la cueillette ou la coupe d’arbres sont interdites. »  

Cette idée parmi tant d’autre souligne l’importance de redonner de la place à la nature dans notre quotidien cloisonné et hyper industrialisé. Le véganisme, par cette réflexion portée sur la place que l’humain doit occuper au sein de son écosystème invite donc entrevoir des solutions comme celle qui consiste à réensauvager la nature (wilderness).

Devenir vegan c’est prendre conscience de l’oppression conjointe de la femme, des animaux et de la Terre (écoféminisme) 

Des autrices féministes font, dans les années 70, le constat suivant : femme, animalité et Terre sont souvent liées. Typiquement, on dit souvent que la femme est rythmée par une « horloge biologique interne » qui lui dicterait quand faire des enfants (comme le rythme des saisons). Ou encore, qu’elle serait douce et docile « comme un agneau » ou parfois semblable à une « tigresse ».  

Francis Bacon, philosophe du XVIIe siècle écrivait même : « La nature est une femme publique. Nous devons la mater, pénétrer ses secrets et l’enchaîner selon nos désirs. » 

En faisant cette comparaison entre femme et Terre, Bacon justifie leur oppression conjointe (et donc, de facto, des animaux). En effet, si notre planète devient un ventre qu’il faut piller, pénétrer, détruire pour mieux régner alors est nécessairement induite une modification  de la place des femmes dans la société. Puisqu’on justifie le pillage de la terre, celui de la femme peut l’être aussi ; et inversement.

Aujourd’hui, on constate par exemple que ce sont les femmes les premières qui sont touchées par le changement climatique. De même, à de nombreuses reprises, que ce soit à la télévision, ou dans les médias (voire même notre langage), femme et animalité sont associées dans les pubs afin de les présenter comme des « choses », des « objets » à consommer.  Enfin, on associe très souvent régime carné et virilité, carence et régime non-carné. Un homme un vrai, ça mange de la viande, un point c’est tout ! 

L’écoféminisme est ainsi un mouvement à la croisée des chemins entre féminisme, écologie et politique, sans en être la stricte et simple addition. Ce mouvement promeut une philosophie végane en mettant à jour les liens existant entre femme, animal et Terre. 

Lire la logique capitaliste et patriarcale de notre monde sous le prisme de l’écoféminisme change donc notre rapport à la nature. Par cette critique de triple-oppression, l’écoféminisme tente d’entrevoir des idées plus justes et équitables de penser les manières d’habiter la terre et de concevoir nos rapports inter-espèces. Il s’agit ainsi d’en finir avec une logique phallocentriste qui veut nous faire croire que l’humain est au sommet (enfin… l’homme plus exactement, et surtout pas la femme!). 

➡️ Finalement, devient-on vegan parce que notre rapport à la nature a changé et qu’on souhaite la respecter ? Ou au contraire, c’est plutôt la pratique du véganisme qui vient transformer notre rapport elle ?

Personnellement, je dirais les deux. Comme je l’explique dans l’une de mes vidéos sur ma transition végétale, c’est d’abord l’envie de lutter contre l’injustice de la souffrance animale qui m’a poussée à agir. Puis en devenant végane, je me suis aperçue qu’il ne s’agissait pas simplement du bien-être animal, mais aussi de problématiques philosophiques très concrètes et capitales sur la politique, le féminisme, le vivant. Par exemple : manger des animaux donc contribuer à la déforestation amazonienne, est-ce la manière par laquelle je souhaite inscrire ma présence sur Terre ? Ou encore : pourquoi associe-t-on souvent viande et virilité ? 

J’espère que ce format un peu spécial sur la philosophie végane t’a plu ! Si c’est le cas, n’hésite pas à le partager sur tes réseaux ou à tes proches ! C’est un grand petit geste qui aide à faire connaître la Vegranola Academy

Références - Le véganisme change-t-il notre rapport à la nature ? 

SITES

LIVRES

📕Næss Arne. Une écosophie pour la vie. 

📕 FAHIM, Amir. Révoltes animales. 

📕SAFRAN FOER, Jonathan. Faut-il manger les animaux ? 

📕SINGER, Peter. La libération animale. 

📕BURGART GOUTAL, Jeanne. Être écoféministe. Théories et pratiques. Paris : Ed. L’Échappée, 2020, 320p. 


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